Ce court essai de Süskind n’a ni la densité ni la profondeur
du célèbre livre de Denis de Rougemont « L’amour et l’occident », qui portait
sur le même thème. Il se lit néanmoins avec plaisir grâce à la verve de
l’auteur, souvent drôle et provocante, et à sa culture, notamment relative au
romantisme allemand (Novalis, Kleist, etc.).
En fait, on a l’impression que Süskind a eu peur
d’effaroucher son lectorat par un ouvrage trop sérieux et aride. Il multiplie
les exemples triviaux et évoque, en termes familiers et parfois parodiques, les
thèmes philosophiques et religieux (je pense par exemple à sa description
férocement comique de la résurrection de Lazare par Jésus) qui servent à la
démonstration de sa thèse, iconoclaste mais aussi un peu simpliste. Celle-ci
est en effet très simple : alors que l'Amour est censé élever l’esprit, il
n’est le plus souvent qu’un magma de vulgarité et d'abêtissement car il a été
corrompu par la fascination de la Mort introduite par le christianisme.
Süskind commence par des exemples représentatifs de la
médiocrité de l'époque. Il décrit tout d'abord un couple de jeunes en voiture
dans un embouteillage, qui se léchouillent et se tripotent pour choquer le
bourgeois, puis un couple de vieux musiciens énamourés et enfermés, presque
comme des autistes, dans une bulle sirupeuse de sentiments grandiloquents.
Süskind évoque enfin un grand écrivain, qu'il ne nomme pas, qui nourrit son
inspiration dans l'amour, impossible à assouvir, qu'il éprouve pour un garçon
d’hôtel et dans les souffrances de la frustration.
Pour Süskind , le sentiment moderne de l’Amour a perdu la
noblesse et la beauté de l’idéal grec car il a été dénaturé par le
christianisme qui a introduit la Mort dans la sphère de l’Amour. Süskind
dénonce, en des termes très durs et très drôles à la fois, l’action néfaste de
Jésus, qu’il présente comme un froid calculateur avide de pouvoir et non comme
un héraut de l’Amour. Les conséquences sont terribles pour l’Occident, qui
s’est mis à éprouver de l’amour pour la Mort. Wagner (dans son adaptation de
Tristan), Novalis et, surtout, Kleist, qui toute sa vie chercha une femme avec
qui il pourrait se suicider par amour (et finalement y parvint), incarnent avec
sublime les figures tutélaires de l’amour de la Mort, qui glaça d’effroi Goethe
car il éprouvait lui-même cette fascination qu’il cherchait à combattre…
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